AAU ANASTAS signe le palais de justice de Tulkarem en Palestine

Finaliste du prix Aga Khan 2022, le projet du nouveau palais de justice de la ville de Tulkarem en Palestine élaboré par le cabinet palestinien AAU Anastas a été commandé et réalisé par l’UNOPS, le bureau des Nations unies pour les services d’appui aux projets.
L’originalité émanant de cet ouvrage découle de son ambition et de sa capacité à bouleverser le stéréotype du tribunal traditionnel, refermé sur lui-même et sourd au dialogue avec la ville. Yousef et Elias Anastas, aux prises directes avec le projet, ont exprimé cette volonté de changement en adoptant une architecture déstructurée composée de deux volumes unis en leur centre par des passages transparents baignés de lumière et donnant accès au paysage comme élément scénographique du quotidien. Les architectes ont ainsi voulu modifier le concept de citadelle de la justice où l’on ne va que par contrainte ou par nécessité. La grandeur et la transparence des espaces de passage et d’attente leur ont ainsi permis d’améliorer le confort intérieur dans l’intention de bâtir un lieu invitant et intéressant en tant que monument urbain.
Située dans le nord de la Palestine, Tulkarem est connue pour ses terres fertiles et pour le dynamisme de son commerce. Siège de la magistrature de première instance, le nouveau bâtiment du tribunal s’inscrit dans la requalification d’une zone urbaine plus vaste au carrefour de grandes rues dessinant un lot triangulaire. Le projet avait pour but de donner naissance à une proéminence visuelle à même de devenir un point de repère et d’orientation. Les architectes d’AAU Anastas ont ainsi érigé un édifice répondant à ces intentions mais l’ont doté d’espaces et d’éléments faisant office de passerelles entre le tissu urbain et la citadelle.
Avec son entrée principale surélevée par rapport à la rue, l’ouvrage vu d’en bas semble reposer sur un podiumplus large qui, d’une part, met en exergue le rôle fondamental du tribunal tout en offrant, d’autre part, une succession d’espaces filtre non couverts et végétalisés qui fragmentent ses murs.
Alors que l’escalier d’accès est plutôt courant dans les édifices de cette nature, l’esplanade au sommetse présente comme un élément de différenciation donnant naissance à un espace permettant aux personnes fréquentant ces services publics d’attendre, de se rencontrer et de se rassembler.
Le cabinet AAU Anastas propose avec ce projet une représentation idéale d’une scénographie où se succèdent les plans avec un premier volume, plus petit et situé à la pointe du lot, qui abrite les bureaux administratifs ainsi que le greffe du tribunal. Plus large, le deuxième volume prismatique contenant les 12 salles d’audience se trouve quant à lui au fond du site. Les deux blocs sont séparés par une troisième zone, en forme de cour, délimitée par des passerelles vitrées au-dessus du rez-de-chaussée. Uniquement visible depuis le côté, elle assure une fonction de liaison. Depuis la ville, les espaces interstitiels générés au milieu permettent de comprendre l’agencement de l’ensemble et jouent donc un rôle essentiel pour que le palais de justice n’apparaisse pas aux yeux du public comme une forteresse impénétrable.
Le projet est ordonné et multiple également du point de vue des matériaux et des revêtements utilisés. Comme le soulignent les architectes, la Palestine respecte encore une ancienne loi anglaise qui imposait que tous les nouveaux bâtiments soient réalisés en pierre. Ils précisent par ailleurs qu’en Palestine, on est toujours à moins de 50 km d’une carrière. L’abondance de pierres a ici aussi été fondamentale. Le premier volume en béton a ainsi été paré de pierres locales qui encadrent les fenêtres selon une grille apparemment très austère et sévère mais qui, en réalité, varie d’un côté à l’autre de la façade principale. Le choix de réaliser des ébrasements, qui n’est pas sans évoquer l’architecture religieuse romane, confère une importance traditionnelle au lieu. De plus, leurs différentes inclinaisons ont une fonction clé : protéger l’intérieur contre l’ensoleillement direct. Dans la mesure où ces ébrasements sont associés à une grande surface vitrée, l’ouvrage parvient tout de même à garantir depuis l’intérieur de larges perspectives sur le paysage environnant.

En net contraste, l’édifice accueillant les salles d’audience se distingue par des façades revêtues en acier galvanisé peint à la poudre qui scintillent au soleil. À l’instar des moucharabiehs caractéristiques de l’architecture du Moyen-Orient, elles donnent naissance à des espaces clair-obscur qui parviennent efficacement à faire écran aux rayons du soleil pour garantir un meilleur bien-être intérieur. En dessous des passerelles vitrées prévues pour la circulation principale ainsi que vers l’extérieur, on trouve aussi des espaces verts évoquant de petites oasis visuelles dans un contexte dominé par les couleurs ocre.
Depuis les halls des étages et les parcours horizontaux, il est possible de profiter d’un espace changeant mais toujours lumineux ; un lieu circonscrit où l’on continue toutefois à percevoir l’environnement urbain.

Mara Corradi

Architects: AAU ANASTAS www.aauanastas.com
Client: United Nations Office for Project Services
Location: Tulkarm, Palestine
Gross useable floor space: 8,937 sqm
Lot size: 4300 sqm
Competition: 2012
Start of work: 2013
Completion of work: 2015
Photographs: Mikaela Burstow

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