Amelia Tavella signe l’extension du couvent de Saint-François à Sainte-Lucie-de-Tallano

Tandis qu’elle était nommée Chevalier de l’Ordre National du Mérite par la Grande Chancellerie de la Légion d’honneur, l’architecte Amelia Tavella achevait la réhabilitation et l’extension du couvent Saint-François à Sainte-Lucie de Tallano en Corse. L’année 2021 représente ainsi un véritable tournant dans le parcours professionnel de cette jeune architecte française en passe d’acquérir une renommée internationale.
S’inscrivant dans l’histoire complexe du site dédié à Saint-François dans la petite commune de Sainte-Lucie-de-Tallano (450 habitants seulement), son intervention se distingue par une force révolutionnaire ayant séduit aussi bien les professionnels du secteur que le grand public.
La Collectivité de Corse - l’organisme public s’occupant de la planification et du développement de l’île - souhaitait réhabiliter ce lieu situé sur un petit promontoire dominant le village de Sainte-Lucie-de-Tallano au cœur de l’Alta Rocca. Entouré de montagnes et de collines couvertes de forêts de chênes, de châtaigniers et de pins, le site accueillait un ouvrage remontant à 1480, abandonné et délabré depuis longtemps, qui était autrefois un complexe fortifié avant de devenir un lieu de prière dédié à saint François et d’être récemment classé monument historique sans usage précis.
Le couvent en ruines se composait de deux corps principaux en pierres, l’un pour l’église et l’autre pour les cellules et les espaces de travail des moines alignés vers l’ouest autour d’une cour centrale. Le site est légèrement surélevé par rapport à la route d’accès qui fait le tour du complexe et le sépare de la nature environnante. L’intervention avait pour but de mettre en valeur les pièces d’origine en les restaurant et en leur redonnant une fonctionnalité dans la perspective de transformer l’ouvrage en pôle culturel ayant pour vocation de favoriser la cohésion sociale et comprenant des salles d’exposition, une médiathèque et des espaces pour les enfants.

À propos du contexte, Amelia Tavella souligne le puissant charme de ce lieu ayant fait l’objet de plusieurs transformations au fil du temps et qui, avant cette dernière intervention, avait été en grande partie envahi par la végétation. S’étant insinuée entre les pierres, la nature avait, dans un certain sens, contribué à protéger les volumes de l’érosion et de l’effondrement. La grande authenticité du site, dans un écrin de verdure et fruit d’une riche histoire, a incité l’architecte à privilégier la préservation et à exclure toute approche impliquant une reconstruction dans le même style que les parties endommagées ou manquantes. Pour Amelia Tavella, le nouveau pôle culturel devait clairement revendiquer son lien avec l’histoire locale, ceci en commençant par la restructuration de l’édifice - emblématique du village et très apprécié par les habitants - mais aussi en mettant en exergue l’appartenance à un présent voué lui aussi à entrer dans l’histoire.
C’est la raison pour laquelle l’extension de la partie en ruines- celle du cloître qui accueillait les espaces des religieux - reconstruit idéalement, dans ses formes et ses dimensions, l’édifice détruit par le temps, ceci non pas en imitant le passé mais en déclinant une nouvelle forme dictée par l’usage et par les nouveaux matériaux disponibles. L’ouvrage retrouve non seulement sa taille d’origine - en doublant son volume pour accueillir les nouvelles salles - mais se transforme aussi, grâce à un projet contemporain, en architecture nouvelle. L’intervention a concerné à la fois la partie existante et le nouvel édifice. Sur les structures anciennes, le cabinet s’est attaché à effacer les traces de détérioration ainsi que les enduits ajoutés de façon à faire réapparaître les pierres. Quant au nouvel ouvrage, il a été doté d’une structure entièrement revêtue de cuivre perforé, une sorte de « moucharabieh » rappelant l’architecture méditerranéenne traditionnelle et permettant de faire pénétrer l’air et la lumière à l’intérieur des bâtiments. Comme Amalia Tavella le souligne en avouant sa prédilection pour les matières ayant le pouvoir de mémoriser le passé « J’aime les matériaux qui répondent à la lumière et aux autres effets du temps ».
L’architecte a non seulement utilisé le cuivre pour dessiner le contour manquant de l’ancien bâtiment mais a aussi redonné vie à la division des étages à travers des panneaux métalliques posés les uns à côté des autres qui reproduisent les portails voûtés et l’inclinaison de la toiture à deux pans. Matériau rare, le cuivre parvient, en raison de sa brillance, à mettre en avant l’importance historique du lieu et à donner à l’extension le même prestige qu’à la partie ancienne ; une façon d’instaurer un dialogue plaçant l’intervention actuelle sur le même plan que les vestiges historiques.
Pour toutes ces raisons, le site dédié à Saint François, un saint particulièrement aimé et qui fait partie intégrante de l’histoire et de la mémoire des habitants, reprend vie au même endroit et en entretenant les mêmes liens avec le territoire qu’auparavant, mais dans un sens différent : celui que le projet d’aujourd’hui a conféré à l’ouvrage. Car notre époque a elle aussi le droit et le devoir de témoigner de notre identité au fil de l’histoire.

Mara Corradi

Architects: Amelia Tavella Architectes
Client: Collectivité de Corse
Location: Sainte Lucie de Tallano, Corse (France)
Surface: 1 000 sqm
Historic building advisor: Perrot & Richard
Structural engineer: ISB
Fluids engineer: G2I
Economist: Ingenia
Acoustic consulting: Acoustique & Conseil
Project: 2019
Completion: 2021
Photos: Thibaut Dini

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