L’intelligence artificielle appliquée à l’architecture : une recherche de Stephen Coorlas

Que peut faire l’intelligence artificielle pour l’architecture ? C’est ce que s’est demandé Stephen Coorlas, architecte américain fondateur du cabinet du même nom basé à Chicago, qui a ainsi commencé à générer des réponses. Stephen Coorlas est en effet l’auteur d’un projet théorique intitulé Speculations on AI and Architecture focalisé sur Midjourney, une intelligence artificielle utilisée pour générer des images 2D à partir de certains mots clés.
Coorlas a demandé au logiciel de concevoir des constructions possibles à partir de descriptions textuelles dont le style revisitait sous formes organiques le brutalisme et l’architecture préfabriquée. Une fois les premiers résultats obtenus, Coorlas a de nouveau interrogé l’intelligence artificielle pour qu’elle génère des détails, des plans et des sections aussi cohérents que possible. Puis, de pair avec son équipe, il a cherché un moyen de transformer les images 2D en modèles en trois dimensions à l’aide de cartes de disparité et d’outils d’animation. Tout cela dans le but de reproduire l’intégralité du processus sous forme de tutoriels vidéo disponibles gratuitement.

Bien que le projet demeure au stade de recherche théorico-formelle, son potentiel est fascinant car il ouvre des portes sur des horizons encore inconnus. En tant que pionnier de cette utilisation de Midjourney, Floornature a voulu rencontrer Stephen Coorlas pour lui poser quelques questions, avant tout sur la naissance du projet. L’architecte explique ainsi : « Speculations on AI and Architecture est une expérience conceptuelle qui théorise l’utilisation et l’intégration de l’intelligence artificielle dans l’architecture. Mais plus spécifiquement, notre recherche examine comment l’intelligence artificielle pourrait influencer le déroulement des processus de conception et de documentation. Nous avons déjà assisté à l’automatisation de certaines tâches moins créatives grâce à des programmes tels que Revit. [...] Au vu de la popularité croissante des convertisseurs de textes en images, nous nous sommes demandé comment cette technologie pouvait favoriser une automatisation supplémentaire de tâches plus créatives comme la conception et la documentation. [...] Nos premières explorations étaient empreintes de fantaisie mais il n’a pas fallu longtemps avant que notre curiosité ne se focalise sur la vérification des possibilités techniques du programme. Sa capacité à comprendre réellement l’interaction entre les choses, les éléments et les matériaux ; une prémisse fondamentale à la compréhension et à la pratique de l’architecture. Nous avons ainsi commencé à demander au convertisseur de générer des liens, des détails et des intersections des projets sophistiqués qu’il proposait. »

Coorlas prend les devants en précisant que de nombreux leaders du marché informatique travaillent déjà sur des programmes d’IA en mesure de gérer non seulement les matériaux et leurs propriétés mais aussi les formes et les détails. Il ajoute également que personne dans son cabinet n’est informaticien ou expert en programmation mais qu’ils se considèrent comme des « experts en spéculation et en théorisation, en particulier dans le domaine de la technologie, de la philosophie et de l’architecture ».

Comme l’affirme encore Coorlas, bien que les résultats soient pour le moins intéressants, ils révèlent toutefois clairement les lacunes de cette technologie en ce qui concerne des tâches spécifiques comme la création de détails ou le séquencement d’ensembles complexes. Néanmoins, l’enthousiasme pour les futures applications potentielles de ces technologies est très fort : « Imaginez que la légende d’un détail relatif à une intersection mur-sol permette d’afficher un menu suggérant plusieurs éléments que l’architecte pourrait prendre en considération et insérer automatiquement dans une fiche détaillée prédéfinie. L’architecte serait ainsi en mesure d’améliorer ou d’affiner encore davantage les détails proposés par l’intelligence artificielle en insérant d’autres mots clés (par exemple : imperméable, rasant, saillant, larmier...). [...] On peut imaginer des paquets d’images et de contenus IA commercialisés et vendus en fonction des zones climatiques, des styles architecturaux, des techniques de construction... »

Pour l’instant, les limites pragmatiques des applications et des recherches menées freinent l’enthousiasme. Stephen Coorlas rappelle ainsi les problèmes ayant entaché certaines intelligences artificielles partiales voire inquiétantes car considérées comme sensibles, tel que le chatbot de Google. Malgré les incertitudes et les éventuels incidents, le chemin à parcourir est tout tracé, de même que l’objectif sur le long terme et il est clair que Stephen Coorlas et son équipe seront en première ligne pour l’atteindre : « Nous voulons combler le fossé entre forme conceptuelle et forme construite en enseignant aux systèmes d’IA comment nous concevons et construisons en règle générale. Beaucoup d’efforts seront nécessaires pour classer la fonction et planifier les données, élaborer des ensembles de règles pour la conception et l’ingénierie et développer des procédures permettant à l’intelligence artificielle de créer. Telles sont nos prochaines initiatives pour faire en sorte que le secteur architectural passe du statut de discipline historiquement basée sur les enseignements de maîtres à celui de pratique fondée sur des procédures assistées par IA ».

Cib

Images courtesy of Stephen Coorlas Architecture
https://www.coorlasarch.com

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