Transformation d'une ancienne grange en Suisse

Le projet de restructuration d'une vieille maison dans les Alpes suisses de Clavienrossier a le merite de montrer ce que l'edifice ignorait de lui-meme : une structure en pierre locale cachee sous plusieurs couches de crepi.
Les choix au fil du temps ne sont pas forcement justes, surtout s'ils suivent les coutumes populaires ou servent a avoir le moins de problemes possibles. Ce qui est populaire et appreciable a une certaine epoque, en parlant d'un style architectural et d'une facon de proceder, ne dure pas toujours et les decennies qui suivent semblent destinees a dementir les choix precedents.
L'edifice rural a l'ecart du village de Charrat dans les Alpes suisses etait tout a fait traditionnel et unissait, comme cela se faisait dans la deuxieme moitie du ‘XXe siecle, la maison et la grange : les deux batiments contigus presentaient un toit a deux pentes et pratiquement aucun element architectural ou decoratif digne d'interet ou meritant d'etre preserve comme temoignage de l'histoire de l'edifice.  
Quand les architectes du cabinet Clavienrossier ont ete charges de restructurer ces deux constructions devenues une seule habitation (la grange n'etait en effet plus utilisee comme telle), ils ont pu constater que les murs sous la couche de crepi avaient ete construits avec la pierre locale. En eliminant ce revetement, ils ont donc mis au jour la structure d'origine que l'on avait prefere cacher pour la proteger ou, probablement, pour permettre a l'edifice et a ses habitants de s'elever en quelque sorte dans l'echelle sociale car l'emploi de la pierre nue etait propre aux habitations les plus humbles.
Les meandres de l'architecture ne sont donc pas aussi rectilignes qu'ils en ont l'air et c'est souvent la convention sociale qui decide ce qui est juste et ce qui ne l'est pas plutot que les regles de la construction.
Les conventions ayant ete completement abolies de nos jours, la pierre non seulement coute beaucoup plus cher que les autres materiaux de construction, mais beneficie d'une grande consideration meme en province et son impact visuel est nettement superieur a celui du mur crepi.
La pierre est d'autant plus appreciee si elle est confrontee a un materiau totalement different, comme c'est le cas ici pour le ciment. La partie superieure de la grange et le dernier etage de la maison, y compris le toit, ne pouvaient en effet pas etre recuperes. Ils a donc fallu les demolir et les remplacer par des volumes en beton qui poursuivent idealement la forme geometrique reguliere du plan de l'edifice d'origine, en montrant ainsi tres clairement la difference de style et de matiere, la structure d'origine et celle contemporaine. Le contraste entre des materiaux si differents comme la pierre naturelle et le beton est partiellement attenue par le ton chaud et par les traces regulieres du coffrage dans le ciment, qui en dissimulent l'aspect a la maniere d'un revetement en pierre. Les volumes en ciment sont caracterises par de grandes baies avec un ebrasement large et profond, dans le but evident d'ameliorer l'eclairage interne en offrant de belles vues sur le paysage, mais aussi de differencier le style des corps ajoutes par rapport a celui de la construction premiere, ou les fenetres, petites et nombreuses, semblent creusees dans les murs de pierre.

Mara Corradi

Projet :  Clavienrossier Architectes
Commettant : un particulier
Lieu : Charrat (Suisse)
Surface utile brute : 230 m?
Fin des travaux : 2010
Structure d'origine en pierre
Volume de la nouvelle construction en beton
Planchers en bois
Photos : (c) Roger Frei

www.clavienrossier.ch